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Fukushima : après une décontamination ratée, des dosimètres distribués en guise de protection contre les radiations

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L'Asahi d'hier (29613) a longuement détaillé la dernière trouvaille du gouvernement Japonais visant à pallier à la décontamination ratée des zones irradiées par la catastrophe de Fukushima-Daiichi : le seuil de dosimétrie prévu après décontamination [1] n'ayant pu être atteint malgré plusieurs "décontaminations" successives, les autorités ont décidé de... distribuer des dosimètres "neufs" afin que la population contrôle elle-même son exposition.

Des seuils impossibles à obtenir à Tamura, le gouvernement Japonais jette l'éponge

Les longs et coûteux travaux de "décontamination" effectués à Miyakoji, un district du village de Tamura, préfecture de Fukushima, ont beau avoir été déclaré "achevés" le 23 juin par les représentants du gouvernement Japonais, cette zone, situé au sein du périmètre "rouge" de 20 km de la centrale atomisée de Fukushima-Daiichi, n'en est pas moins toujours bien plus contaminée que le seuil qui avait été initialement prévu, un seuil lui-même défini en fonction de la norme internationale fixant à 1 mSv par an la dose de radioactivité artificielle acceptable pour le public [2].

Après le contrôle des débits de dose résiduels gamma [3] par avion, les relevés effectués restaient toutefois largement supérieurs - de 24 à 56% - au seuil initialement fixé à 0.23µSv/h. Cette constatation n'a pas empêché les autorités de déclarer la décontamination "terminée" malgré les appels pressants des habitants réclamant fort logiquement la poursuite des opérations de décontamination à concurrence du seuil initial.

Nous verrons bien à l'automne...

La zone "rouge" de Tamura devrait donc prochainement être "dézonée", la seule garantie laissée par le Ministre de l'environnement Japonais étant de procéder - éventuellement - à une nouvelle décontamination après une campagne de mesure qui sera programmée... à l'automne 2013. En attendant, les habitants aspirant à retourner dans leurs domiciles pourraient se voir offrir de magnifiques dosimètres "neufs" (sic).

Peu de temps après, le Ministère de l'Environnement effectuait un démenti indiquant que de tels propos n'ont jamais été tenus lors de la réunion du 23 juin ; manque de chance, ces derniers ont bel et bien été confirmés par de nombreux habitants et également enregistrés, ce qui a été confirmé par les journalistes de l'Asahi ; à la suite de cet incident, ces derniers ont indiqué n'avoir pas reçu de déclaration "claire" de la part du Ministre concerné interrogé de nouveau à ce sujet.

 

L'impossible décontamination, selon un officiel Japonais

M. Tomihiko Hideta, l'un des commissaires de l'agence de reconstruction Japonaise JRA [4], aurait définitivement levé toute ambiguïté en déclarant :

Si le gouvernement Japonais disposait d'un budget illimité, il pourrait alors poursuivre les travaux de décontamination jusqu'à ce que les habitants soient satisfaits ; dans la réalité il est impossible de procéder ainsi.

 

Un autre officiel de la JRA suspendu après avoir traité les habitants de Tamura de "gauchistes"

L'un des collègues de M. Hideta officiant également à l'ARJ, M. Yasuhisa Mizuno, a été suspendu de ses fonctions pour un mois après avoir déclaré via son compte Tweeter que :

Les assemblées de citoyens réclamant des mesures afin d'assurer la radioprotection des habitants sont des gauchistes ; je ne peux que ressentir de la pitié pour leur manque d'intelligence.

Très élégant pour un officiel, fusse-t-il Japonais et probablement "droitiste", n'est-ce pas ?

Le Ministre de la Reconstruction, M. Takumi Nemoto, a rapidement réagi en procédant lui-même à la suspension de M. Mizuno ; le Ministre a ensuite précisé qu'il renonçait à son propre salaire pendant un mois [5] pour s'excuser de cette déviation dont il endossait toute la responsabilité en tant que responsable direct de l'agence de reconstruction Japonaise.

Cet incident reporté par Japan Today dans son édition du 22 juin est révélateur de l'extrême tension qui règne au Japon autour du grave sujet de l'impossible décontamination des zones irradiées et contaminées, une procédure dont les autorités pensaient se débarrasser à peu de frais, ce qui ne pouvait évidemment se concevoir ailleurs que dans le cerveau de politiques peu conscients des réalités des catastrophes nucléaires ; les politiques proposent, la radioactivité dispose.

gen4_2013-06_21.png

 


Sources : Government offers dosimeters--not decontamination--for Fukushima evacuees (Asahi, 29613) - In Fukushima, first district declared decontaminated (Asahi, 24613) - Reconstruction agency official suspended over Twitter tirade about Fukushima (Japan Today, 22613)

 

Notes :

[1] Le seuil prévu était fixé à 0.23 µSv/h, soit 1 mSv/an d'exposition supplémentaire à raison de 12h par jour

[2Seuil dit "CIPR", repris dans la réglementation RP de nombreux pays : 1 mSv/an, hors bruit de fond habituel

[3] La technique habituelle et hautement contestable consiste à mesurer la radioactivité gamma à l'aide d'un gros cristal positionné à bord d'un aéronef ; cette mesure ne permet ni de quantifier la présence de radioéléments typiquement non-gamma comme le Strontium-90, un émetteur Bêta pur pourtant largement diffusé par l'accident et potentiellement très radiotoxique ; la mesure est en outre rapide et obligatoirement pondérée par unité de surface élargie ce qui ne permet pas d'estimer les "tâches" de radioactivité formant les "points chauds"

[4] JRA : [Japan] Reconstruction Agency, un organisme dirigé par le Premier Ministre du Japon et qui vise à suivre les conséquences du séisme, du tsunami et de la catastrophe nucléaire de mars 2011 pour une période de dix années, une durée qui peut sembler incompatible avec les effets des radioéléments dispersés par les réacteurs éventrés pouvant s'étendre sur plusieurs centaines, voire plusieurs milliers d'années et dont on a pu apprécier au fil des incidents relatés plus haut l'entêtement à perturber l'existence des habitants de la région

[5] Une auto-sanction relativement fréquente au Japon mais dont les effets tiennent plus du théâtre ou du symbole que d'une réelle volonté de contrition ; un tel événement est simplement inacceptable vis-à-vis de personnes durement touchées par la catastrophe nucléaire et mériterait - pour le principe - bien plus qu'une simple "amende" !


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