Dans le camp des pessimistes : l'opérateur, les médias, les autorités locales et la simple logique
Même s'il assure qu'il se plierait à une nouvelle législation ad hoc, EDF a estimé au minimum à 5 milliards d'Euros la facture à régler pour stopper définitivement la production dès la fin de l'année 2016. M. Proglio assure ainsi qu'il pourrait éventuellement s'incliner (encore heureux !) devant la volonté politique mais l'on sent bien que ses tripes lui feraient alors un mal d'enfer, d'où le petit contrefeu paru dans le dernier JDD. L'analyse de la presse est de son côté sans appel : le JDD conclut son papier par : "Un retard du calendrier est déjà dans toutes les têtes" alors que Le Monde évoque de son côté qu'"une fermeture en 2016 apparait de moins en moins probable." Les élus locaux, les commerçants et une partie des habitants ont quant à eux défilé dans les rues de Fessenheim samedi dernier, réclamant une poursuite de l'activité de la plus vieille centrale nucléaire Française en production.
(1) Manifestation anti-fermeture du samedi 4 mai 2013 à Fessenheim (AFP)
La simple logique voudrait enfin qu'une action aussi lourde donc nécessitant plusieurs années de préparatifs n'ait pas vu se mettre en place le moindre calendrier prévisionnel alors que l'opération doit impérativement être précédée d'un volet législatif [1], un débat dont la discussion va très probablement prendre une tournure passionnelle. Des débats législatifs "normaux" au niveau d'un projet de loi obtenant un consensus relatif, c'est au minimum 6 mois ; un projet controversé et polémique peut prendre jusqu'à plusieurs années et s'étendre sur plusieurs sessions parlementaires, comme cela a été le cas par exemple pour la loi "mariage pour tous" (de la "QPC" de novembre 2010 à la promulgation à la fin du printemps 2013). Sur le plan technique, la situation sera probablement encore pire, à commencer par l'établissement du dossier initial qui revient à un un opérateur qui freine des quatre fers puis son traitement par une ASN [2] qui se sent légèrement désavouée sur le plan technique les péripéties s'annoncent nombreuses et complexes ! La durée totale des travaux préparatoires devrait en conséquence déborder peu ou prou du calendrier initial, sans préjuger d'un éventuel rétropédalage politique du à un évènement inopiné comme une tension soudaine et importante sur le prix du baril, de nouvelles contraintes budgétaires drastiques (EDF ayant miné préventivement le terrain) ou même simplement une évolution soudaine des priorités gouvernementales. Le prochain remaniement gouvernemental nous donnera peut-être un indice à ce sujet, un certain Louis Gallois (un nom revenant souvent dans les média) ayant ainsi affirmé récemment que la décision de fermeture de certaines centrales devait être un acte purement technique et non un engagement politique.
Dans le camp des optimistes : le gouvernement et ... le gouvernement
Lors d'un tir de riposte parfaitement synchronisé des autorités nationales, la ministre de l'Energie a joint sa voixà celle du délégué intergouvernemental à la fermeture et à la reconversion du site de Fessenheim (sic) pour estimer que les délais étaient, malgré tous les indices évoquant le contraire, une décision politique parfaitement réaliste et non moins inflexible. Une chose est sûre : si l'on applique au cas Fessenheim les retards qui caractérisent actuellement les engagements calendaires du glorieux secteur électronucléaire français, les chaudrons infernaux de Fessenheim ne s'éteindront pas avant 2020 (4 années de retard sur le projet de Flamanville) voire 2023 (7 années de retard sur le projet Olkiluoto) et les travaux de déconstruction s'achèveront au mieux en 2060 (40 années de démantèlement pour Brennilis), si tout va bien.
(2) Fessenheim vu côté chiffres (Sortir du Nucléaire)
Sources :Francis Rol-Tanguy : "Ne pas prolonger les centrales au-delà du raisonnable" Le Monde, 6513 Le calendrier de fermeture de Fessenheim réaffirmé le Point, 6513 Cinq à huit milliards pour fermer Fessenheim Le JDD, 5513 Fessenheim : la fermeture en 2016 apparaît de moins en moins probable Le Monde, 6513