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USA : Selon la NRC, l'’opérateur de San Onofre souhaite mener une “expérience” sur un réacteur

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L'ASLB [1], le service de la NRC compétent pour délivrer – ou non – des licences d'exploitation de réacteurs nucléaires aux USA, vient de déclarer que la demande de redémarrage de l'unité SONGS [2] n°. 2 représentait une "expérience" et nécessitait une révision de sa licence d'exploitation, alors que l'opérateur SCE [3estime de son côté qu'il s'agissait d'une poursuite de l'exploitation "normale" du site.

Une remise en service de réacteur électronucléaire "expérimentale", euh... ça existe, ça ?

Le mot latin experentia souligne une idée d'essai, d'épreuve, d'une tentative expérimentale qui n'est pas certaine, ès-qualités, de déboucher sur le résultat escompté. Autant cette appellation est fréquemment utilisé dans les laboratoires ou les universités, autant son emploi dans une industrie de production lourde est étonnant et même détonant dans le cadre particulier d'une industrie électronucléaire dont on connait le comportement explosif quand elle est poussée dans ses derniers retranchements. C'est pourtant la dénomination qui a été utilisée par le service "licences" de l'agence de régulation nucléaire des USA à la suite de la demande de remise en service à 70% de la puissance nominale et pour une période de 5 mois renouvelables du réacteur n°. 2 de la centrale nucléaire de San Onofre (Californie).

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(1) Un aspect "expérimental" qui n'a pas échappé à l'œil exercé de la NRC (LA Times)

 

L'opérateur avait informé récemment que si l'unité n°. 2 n'était pas remise en production "dans les meilleurs délais" il envisagerait alors de fermer définitivement le site à la fin de l'année 2013.

La NRC : c'est nope !

Le régulateur nord-américain vient donc de confirmer qu'il faudra que l'opérateur repasse par le circuit long de demande de modification de licence, une procédure qui prendra quelques mois au mieux et nécessitera le passage devant une commission d'enquête publique.

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(2) SCE ne pourra redémarrer furtivement son unité n°. 3 comme il l'entendait (PowerMag)

Des milliers de tubes se sont très rapidement détériorés dans les générateurs de vapeur fournis par les Japonais à San Onofre

Nous avions déjà longuement évoqué dans un billet antérieur les étonnantes faiblesses des nouveaux générateurs de vapeur fournis par le Japonais MHI en 2010 et qui avaient remplacé les GV originaux, des modèles particuliers car ils s'avèrent nettement plus gros que ceux qui sont habituellement construits par le consortium Japonais par exemple pour les unités françaises équivalentes (REP 900 MWe).

(3) Le GV de San Onofre : 50% plus large et 2 fois plus lourd que le modèle EDF équivalent (MHI)

En cas de redémarrage, 95% des tubes seraient endommagés après 15 mois de fonctionnement

Selon une projection réalisée par un bureau d'études ayant travaillé pour l'opérateur et dévoilé par Friends of The Earth [4], si le réacteur n°. 2 de San Onofre était remis en production à 70% de sa puissance initiale (800 MWe), 95% des tubes seraient endommagés après 15 mois de service ; un autre consultant a estimé de son côté que les tubes ne tiendraient "pas plus de 6 mois".

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(4) 95% des tubes seraient défectueux après 15 mois d'exploitation de l'unité n°. 2 (SDLG)

Tubes cassés = contamination du circuit secondaire + fuites radioactives probables

A San Onofre, 2 générateurs de vapeur [5] sont chargés d'échanger les calories entre le circuit primaire et le circuit secondaire de chacune des 2 unités à eau pressurisée ; environ 10.000 tubes très fins (2 mm) sont employés à cet usage dans chaque GV. En cas de dégradation ou pire, de cassure franche de ces tubes, une partie de l'eau du circuit primaire se retrouve injectée dans le circuit secondaire ; de la vapeur radioactive peut en outre se retrouver libérée dans le confinement, obligeant l'opérateur à ouvrir la valve de déconfinement, un événement entraînant un rejet de vapeur radioactive, filtrée ou non, dans l'atmosphère. Lors de l'incident de rupture de tube du 1er février 2012, plusieurs centaines de litres de fluide primaire s'étaient ainsi échappées de l'un des 2 GV alors qu'une "petite fraction"  - admirez la précision des chiffres – de vapeur radioactive s'était retrouvée libérée dans l'atmosphère, n'en déclenchant pas moins au passage des alarmes de radioactivité.

 

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(5) Déconfinement de gaz radioactifs dans l'atmosphère le 1/2/12 (UT San Diego)

L'irradiant irradié

Un des éléments les plus savoureux de cet incident (très minimisé par l'opérateur et la NRA) réside dans l'appréciation des dégâts antérieurement et postérieurement à l'arrêt de l'unité : l'opérateur, espérant peut-être un miracle de Saint-Onuphre [6] n'a commencé a réduire la production de 100% à 35% que 1h30 après que la fuite de circuit primaire ait été détectée et n'a stoppé totalement la production d'électricité qu'à 17h30, soit près de 150 minutes après le déclenchement de l'alarme LOCA[7] et la fuite de plusieurs centaines de litres de vapeur / eau radioactive dans le confinement de l'unité n°. 3.

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(6) Chronologie de l'incident du 1212 (NRC)

 

Bien après l'incident, SCE estimait que l'imprudence– - pour ne pas dire l'impudence –- résidait dans le fait de ne pas avoir l'autorisation de redémarrer au plus vite l'unité n°. 2, une source "vitale" d'énergie électrique. Décidément, la différence d'appréciation de certaines définitions diffère beaucoup entre les atomistes et les citoyens moyens que nous sommes ; la qualification de "vitale" nous semblait ainsi impliquer une acception strictement biologique (vitalis, relatif à la vie) mais il ne s'agit que de notre très modeste opinion.

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(5) L'opérateur estimait récemment que ne pas redémarrer San Onofre 2 serait "imprudent"LOL (SCPR)

 

Retour sur un réacteur électrogène "expérimental" ?

Nous avions évoqué dans notre billet du 30 avril 2013 la possibilité d'un fonctionnement en "sur-régime" de l'unité n°. 2 de San Onofre au cours de l'année 2012, dans le but (hypothétique) de pallier à l'arrêt prolongé de l'unité n°. 3. L'information était donnée au conditionnel mais il semblerait que l'opérateur ait bien été autorisée par la NRC dès l'année 2001 à pousser les chaudrons électronucléaires de 3390 à 3438 MWt. Cette autorisation d'augmentation de puissance thermique qui peut sembler minime (+1.5%) a en fait nécessité une panoplie de modifications techniques effectuées par l'opérateur, notamment au niveau du circuit primaire, dont la liste peut être retrouvée dans ce fil de discussion extrait du blog de la NRC et dont la source proviendrait d'un lanceur d'alerte interne à l'opérateur Southern California Edison. On notera tout particulièrement que certains paramètres comme le débit d'eau du circuit primaire ont été nettement augmentés [8] ; ces modifications pourraient expliquer l'apparition de phénomènes vibratoires destructifs au niveau des tubes des générateurs de vapeur, des éléments qui auraient été conçus par les Japonais de MHI sur la base des anciennes caractéristiques techniques "officielles" du circuit primaire.

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(6) L'interminable liste des modifications apportées au niveau des RCS ( RCS - Reactor Cooling System] de San Onofre (blog NRC)

 


Sources :ASLB Bars San Onofre Unit 2 Restart Without Public Hearing– Power Mag, 16513 Environmentalists Praise Fed Ruling on San Onofre– ABC News, 14513 San Onofre ruling creates confusion– LA Times, 13513 San Onofre plant wants June 1 restart– 10 NEWS, 4313 San Onofre: Why it happened & What MUST not happen now– San diego Loves Green, 2413 LEAK AT NUCLEAR REACTOR MAY HAVE VENTED PLANT MAY HAVE LEAKED RADIATION– UT San Diego, 2212 Risques de rupture de tubes GV et prévention– IRSN NRC Forms Special San Onofre Review Panel, page 2– US. NRC Blog, 2013

Notes :

[1ASLB : Atomic and Safety Licensing panel Board

[2]  SONGS :San Onofre Nuclear Generating Station

[3]  SCE : Southern California Edison 

[4]  Les amis de la terre, organisation non gouvernementale internationale

[5]  Contre 3 ou 4 GV sur les REP français équivalents

[6Saint-Onuphre : San Onofre en Espagnol

[7]   LOCA : Loss Of Coolant Accident, perte de réfrigérant de circuit primaire

[8]  De 198 à 209 kGPM (milliers de Gallons par minute), soit une augmentation de débit de 5%


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